Thématiques

L’océan côtier est défini comme étant la région s’étendant de la côte (incluant la zone littorale) aux régions hauturières (incluant le plateau continental, le talus continental et les régions profondes directement en interaction avec les zones peu profondes). Le côtier est un domaine à enjeux majeurs, de part la pression anthropique qu’il subit, les activités socio-économiques qui s’y développent, les risques naturels auxquels il est fortement exposé (e.g. tempêtes, efflorescences toxiques), ainsi que les impacts lié au changement climatique. Pour autant, c’est un domaine particulièrement complexe en terme de physique et biogéochimie. Les phénomènes sont transitoires, donc difficiles à observer. De plus, ils sont caractérisés par une très grande variabilité spatio-temporelle. Les interfaces avec le large, le continent, l’atmosphère et le fond jouent un rôle capital. Elles sont des lieux d’échange en terme d’énergie et de matières, et conditionnent les cycles biogéochimiques.

Du point de vue de l’océanographie physique, en lien avec les contraintes de ce milieu (e.g. bathymétrie complexe), les échelles de processus à explorer et comprendre sont spatialement plus petites (quelques mètres à quelques kilomètres) et temporellement plus courtes (processus à des fréquences de l’ordre de la seconde à quelques jours) par rapport à l’océan hauturier.

Les enjeux de la recherche de l’équipe océan côtier résident donc dans la compréhension de la dynamique de ces fines échelles (à travers l’observation ou la simulation) ainsi que la compréhension du rôle de ces processus sur les compartiments connexes (biogéochimique, biologique incluant les aspects halieutiques, sédimentaire, géophysique).

Ce positionnement thématique ouvre l’équipe, à la fois, à des travaux visant à mieux comprendre les processus côtiers et à des travaux interdisciplinaires en collaboration avec d’autres acteurs de la recherche.

 

Les travaux de recherche de l’équipe Océan Côtier s’articulent autour de 4 axes scientifiques :

(1)   dynamique des fines échelles et environnement côtier,

(2)   événements extrêmes (ou rares) et changement climatique,

(3)   dynamique des couches limites,

(4)   implication dans des structures en soutien à la recherche.

 

 

(1) Dynamique des fines échelles et environnement côtier

 L’océan côtier, aux interfaces avec le continent, le fond, l’atmosphère et l’océan du large constitue un milieu extrêmement contraint (e.g. bathymétrie accidentée, échelles de temps très courtes et transitoires) dans lequel de nombreux processus physiques interagissent de manière complexe à différentes échelles, induisant une approche spécifique au domaine côtier. Ces dernières années, les progrès en observations in situ et satellite et en modélisation numérique ont mis en évidence l’importance des processus de fines échelles dans la structuration et la dynamique de l’environnement côtier.

Aborder les fines échelles en milieu côtier revient à progresser sur la compréhension de différents processus en lien avec la dynamique frontale (upwelling et fronts d’upwelling, panaches de fleuves, fronts de densité), la dynamique à (sous)mésoéchelle de plateau (tourbillons, filaments) et la dynamique des ondes internes sur le plateau continental et la pente, dont les échelles caractéristiques sont inférieures au km et à la journée.

L’équipe Océan Côtier contribue à la compréhension de la dynamique de ces fines échelles (processus mal identifiés, caractérisés et expliqués voire théorisés) et du rôle de ces dernières sur la structuration des environnements côtiers : dynamique sédimentaire, cycle des éléments ou  fonctionnement des écosystèmes marins. Cela constitue un des enjeux forts pour les futurs travaux de recherche de l’équipe.

Pour compléter et améliorer ses études sur la dynamique côtière (sous)méso-échelle, l’équipe Océan Côtier poursuivra ses activités de développement d’outils nécessaires à l’étude de ces processus. L’interprétation et la compréhension théorique des processus à fines échelles doit s’accompagner d’outils de modélisation numérique tels que CROCO ou PISCES. Les limites des modèles actuels seront explorées : à l’échelle du LOPS en collaboration avec d’autres équipes comme l’équipe OSI et au travers de l’axe transverse physique-biologie-écologie / à l’échelle de site en collaboration avec d’autres laboratoires tels que le LEMAR et DYNECO pour les problématiques biogéochimiques.

Pour la composante observation, plusieurs pistes ont été développées ou sont en cours de développement au sein de l’équipe pour observer les fines échelles océaniques en milieu côtier. L’observation in situ s’oriente, entre autre vers de l’observation à haute-fréquence (exemple des Mastodon-3D à bas coût), des systèmes autonomes (e.g. AUVs) et intégrés permettant de suivre des paramètres physiques, biogéochimiques et biologiques (e.g. communautés de plancton). En télédétection, la mise en oeuvre de mesures aéroportées en complément du satellite (i.e. développement d’un ULM dédié à l’observation océanographique côtière) et de radar HF fera partie des moyens déployés pour répondre à ces problématiques. Au-delà de ces moyens d’observation, l’équipe Océan Côtier restera impliquée étroitement dans les futurs développements technologiques pouvant améliorer l’observation de ces fines échelles.

 

(2) Évènements extrêmes (ou rares) et changement climatique

 Cet axe de recherche a pour objet l’étude des changements à long terme des événements extrêmes (surcotes et vagues importantes, fortes dessalures, vagues de chaleur marines, hypoxies/anoxies, efflorescences massives), qui sont vraisemblablement les principales manifestations sensibles du changement climatique susceptibles d’affecter la dynamique de l’océan côtier. Il se décompose en trois volets.

 

Un premier volet consiste à identifier les événements extrêmes (comment les définir ? comment les détecter ?), à caractériser leur évolution (quels paramètres? quels sont les changements en terme d’occurrence et d’intensité ?) et expliquer les mécanismes à l’origine de ces changements (quel lien avec les indices climatiques ?). Un second volet consiste à investiguer l’impact des événements extrêmes sur l’écosystème côtier : quel est le rôle des processus physiques sur les niveaux d’oxygène dissous et les efflorescences d’algues toxiques qui impactent les organismes ? sur la mortalité d’espèces? Un troisième volet consiste à évaluer comment réagit l’environnement côtier à ces événements extrêmes, en particulier en terme de résilience. L’équipe s’est clairement engagée sur les deux premiers points (projets labellisés ISBlue, ANR, LEFE-EC2CO et Ifremer). Le troisième point est encore exploratoire, et sera mené en collaboration avec d’autres équipes, telles que DYNECO et le LEMAR.

 

Pour répondre à ces questions d’évolution des extrêmes, l’équipe Océan Côtier s’appuiera sur l’ensemble des observations disponibles, en partie de longue durée : les réseaux d’observations in situ (e.g. COAST-HF, réseaux au Sénégal), les données satellites (e.g. altimètres), les données sismiques (e.g. détection des événements de tempêtes). Pour l’analyse des données, l’équipe combinera des méthodes statistiques classiques (théorie des extrêmes, classification) et des méthodes plus poussées d’exploration des données de type apprentissage profond. Ces méthodes génériques transdisciplinaires peuvent aussi bien s’appliquer à des données physiques, biologiques ou sismiques. La partie exploratoire sur les méthodes se fera en collaboration avec l’équipe mixte de recherche Ifremer/IMT/INRIA d’Intelligence Artificielle en cours de mise en place au LOPS. Les changements observés dans les événements extrêmes seront investigués en lien avec la circulation grande échelle atmosphérique et océanique (e.g. Oscillation Nord Atlantique, gyres de l’Atlantique Nord). Une des difficultés sera de séparer la variabilité interannuelle naturelle des tendances à long terme des extrêmes. Dans les années à venir, l’analyse fine des données historiques pourrait contribuer à prévoir l’évolution des extrêmes.

 

(3) Dynamique des couches limites

Connaître la dynamique des couches limites de surface et de fond est essentielle en zone côtière. En effet, en raison des petits fonds, leur dynamique impacte généralement l’ensemble de la colonne d’eau. Par petits fonds (< 30 m), les couches limites de surface et de fond tendent à se confondre. Elles se mélangent (nutriments, température, salinité, oxygène) sous l’effet du vent, des vagues, des courants, des flux de chaleurs, mais également des ondes internes.

 

La couche limite de surface est le lieu privilégié des interactions entre l’atmosphère et l’océan. Les vagues jouent à cette interface un rôle essentiel, et malgré des années de recherche, leur impact fait toujours débat au sein de la communauté scientifique. L’équipe Océan Côtier poursuivra ses travaux sur l’impact des vagues sur les flux air-mer, la dynamique de la couche de surface ainsi que les fronts de surface. On s’intéressera également à déterminer quels sont les processus de premier ordre dans la couche limite de surface. Enfin, l’équipe poursuivra ses études d’impact des fines échelles atmosphériques sur la circulation océanique côtière (coastal wind drop-off, interface terre-mer, relaxation des upwellings intermittents).

 

La couche limite de fond est le lieu de dimensionnement des impacts du fond sur la circulation. Dans cette couche dynamique, les échanges entre l’eau et le sédiment et les impacts sur l’habitat benthique (e.g. coraux froids, faune benthique) restent par ailleurs peu connus (manque d’observations, processus complexes à modéliser). Différentes problématiques pourront être abordées par des approches pluri-disciplinaires (collaborations avec des géophysiciens, biologistes et physiciens du sédiment): impact de la bathymétrie sur la circulation, échanges eau-sédiment en relation avec les courants de fond. Les processus au-dessus des pentes continentales et de leurs canyons seront également étudiés (e.g. Capbreton/Cassidaigne, Cape Canyon).

 

(4) Implication dans des outils et des infrastructures en soutien à la recherche

L’équipe Océan Côtier a un positionnement clé sur la stratégie d’observation in situ pluri-disciplinaire sur le long terme en milieu côtier au niveau national, européen, ainsi que localement sur le chantier “Afrique de l’Ouest”. Elle est responsable de l’animation scientifique et de la coordination de plusieurs composantes des infrastructures nationales et européennes d’observation : Service National d’Observation COAST-HF au sein de l’Infrastructure de Recherche ILICO, Infrastructure de Recherche Européenne JERICO-RI.

Au cours des prochaines années, l’équipe Océan Côtier, par une mobilisation de moyens humains, veillera à la convergence des questionnements scientifiques de l’équipe et des futures stratégies d’observation tout en contribuant aux efforts nationaux et européens de structuration afin d’assurer une pérennité des observations et une optimisation “scientifique” des réseaux d’observation.

Comme cela se traduit à l’échelle régionale avec la proposition de Contrat de Projets Etat-Région ObsOcéan incluant un volet hauturier (ARGO et ODO-HR) et un volet côtier (ROEC-ILICO), les stratégies d’observation, de structuration et de financement seront menées en collaboration avec les différentes équipes du laboratoire. A l’échelle européenne, la communauté JERICO-RI aura pour objectif de formaliser la phase préparatoire de la mise en place de cette infrastructure au sein de la feuille de route Européenne (ESFRI) dès 2022 pour être opérationnelle à partir de 2030, forte des 9 Infrastructures de Recherche nationales déjà formalisées et du support politique de 14 pays engagés dans le projet JERICO-DS (2020-2023). Dans les chantiers de l’équipe au Sud (Sénégal par exemple), les infrastructures d’observation pour les zones littorales sont en cours de développement et de structuration (dans le cadre du Laboratoire Mixte International ECLAIRS et dans le projet ANR SOLAB).

En modélisation numérique, la communauté scientifique s’est aussi structurée autour de différents codes numériques, dits communautaires, permettant aux utilisateurs d’explorer la dynamique côtière à différentes échelles spatiales et temporelles. L’équipe Océan Côtier contribue à l’évolution de ses outils numériques et en particulier les codes CROCO avec PISCES, WAVEWATCHIII et Meso-NH.

Au-delà de cette contribution, les travaux de recherche de l’équipe Océan Côtier en modélisation numérique permettront de revisiter la modélisation des échanges turbulents afin de prendre en compte la physique à fines échelles et la dynamique des couches limites. Les approches telles que les LES (Large Eddy Simulation), la modélisation non-hydrostatique ou le recours aux modèles stochastiques (approche statistique pour représenter les processus non résolus - ERC STUOD porté par LOPS/SIAM) seront explorées afin de simuler la turbulence en milieu côtier et la dynamique des couches limites océaniques. L’ensemble sera réalisé en veillant aux limitations induites par la croissance des volumes de données générés. La question des couplages (air-mer, couplage avec l’écosystème) devra aussi être prise en compte car l'importance de la rétroaction des autres compartiments peut être très différente lorsqu’on aborde les processus à échelles plus fines. L’ensemble de ces questionnements sera abordé afin de proposer des stratégies de modélisation dimensionnées et adaptées aux problématiques qui seront étudiées.

Associé à ces évolutions de la modélisation côtière, l’équipe Océan Côtier maintient le projet MARC (Modélisation et Analyse pour la Recherche Côtière) d’affichage et de diffusion des résultats des modèles de recherche du LOPS (marc.ifremer.fr). L’enjeu dans les prochaines années pour le projet sera de faire évoluer des configurations existantes (MARS3D) vers des configurations à l’état de l’art (CROCO) afin de bénéficier des apports de la communauté scientifique en termes de modélisation.

 

Régions géographiques d’intérêt de l’équipe

L’équipe continuera à porter une stratégie de chantier, privilégiant l’investissement dans la durée de chercheurs sur un nombre limité de zones géographiques. Cela permet de construire une expertise régionale indispensable à des coopérations pluridisciplinaires, de réaliser une veille scientifique ciblée et de répondre à la demande sociétale. Ces chantiers seront les façades métropolitaines (Atlantique, Méditerranée, Manche), quelque zones ultramarines  (Antilles, Saint-Pierre et Miquelon) et les chantiers Africains du LOPS (Benguela, Sénégal). Ils seront abordés suivant les quatre axes scientifiques identifiés dans notre prospective. Une animation scientifique sur les stratégies de mesures, les questionnements et les processus dynamiques communs aux différentes zones sera favorisée. A titre d’exemple, les régions du Sénégal, du Benguela, du golfe de Gascogne et de la Méditerranée sont ainsi privilégiées pour étudier la dynamique frontale et les processus de mélanges verticaux.